Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à devenir, par principe, des Thérèse d’Avila. Il y a, pour les adolescentes rebelles à la désincarnation, d’autres façons de servir la danse et la musique. Ces dévotions nouvelles, qui ne sont pas des schismes, se sont multipliées depuis quelques années. Toutes ne sont pas d’égale ferveur mais il serait imprudent de les décourager. Elles ont la valeur d’expériences démonstratives d’où l’on peut tirer d’utiles enseignements.

Elles mettent ouvertement à l’étude d’importants problèmes. Elles aident à la transformation progressive du style plastique exigée par l’évolution du langage musical. La danse classique était basée sur le principe de la carrure mélodique : si elle veut s’annexer les chefs-d’œuvre modernes — et elle le doit — elle sera bien forcée de modifier son équilibre rythmique et d’assouplir sa conception de la mesure. Sans rien abandonner de sa haute doctrine, elle a le devoir de suivre la nouvelle prosodie de nos compositeurs.

La danse classique se trouve arrivée au moment embarrassant que connut la poésie lorsqu’on s’avisa de substituer le vers libre au vers régulier. La musique écrite à l’usage de nos corps de ballet reposait, jusqu’ici, sur des jeux de rimes et de césures symétriques ; il s’agit maintenant de la déshabituer des alexandrins et de lui apprendre l’harmonie fuyante et subtile du vers libre ou de la prose rythmée. L’exemple de Daphnis et Chloé nous a montré que cette transformation était relativement aisée pour des interprètes en pleine possession de leur technique. Zambelli a su dessiner de son pied léger, avec la plus élégante indépendance, la capricieuse arabesque des mélodies de Ravel sur le plateau même où elle avait l’habitude de tracer sagement les festons des valses du répertoire, réguliers comme les « huit » de l’arroseur qui, pendant l’entracte, semble calligraphier sur le plancher les lois essentielles du rond de jambe et de l’aile de pigeon.

Une telle leçon ne doit pas être perdue. La technique classique peut se rajeunir sans trahison. Elle ne saurait demeurer en marge du mouvement musical. Elle est assez souple pour s’adapter à tous les styles et à toutes les syntaxes. Après avoir fait de la prosodie elle peut faire de l’analyse grammaticale ou de l’analyse logique. Des danseurs mélomanes comme les Sakha-