Page:Le Ballet au XIXe siècle, 1921.djvu/58

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roff nous ont montré avec quelle minutie… philologique on peut décortiquer une phrase mélodique, en rendre sensibles les plus secrètes intentions architecturales et faire briller toutes les facettes d’une locution harmonieuse. Les chorégraphes n’ont pas le droit de négliger pour l’avenir de si précieuses indications.

Qu’ils ne soient pas esclaves de leurs préjugés scolaires. Qu’ils accueillent avec discernement mais avec une curiosité bienveillante les apports des danses étrangères. Les ballets russes nous ont montré qu’on peut fonder un excellent conservatoire de chorégraphie occidentale avec des professeurs et des élèves profondément imprégnés d’une culture esthétique asiatique. L’orientalisme et les persaneries dont on a vulgarisé chez nous les langueurs voluptueuses et la fine grâce sensuelle ne mettent pas plus en péril notre goût national que ne le firent jadis les turqueries des ballets de cour. Nous pouvons y puiser au contraire de fructueux enseignements. Nous y apprendrons qu’à côté de la danse spiritualisée existe une danse où le corps féminin impose sa souveraineté. Dans celles-ci, la musique obéit à la chair au lieu de lui imposer sa loi. Et cette nouvelle forme de collaboration peut engendrer également des chefs-d’œuvre.

C’est de tous ces éléments épars que sera fait l’art chorégraphique de demain. On le pressent, riche éloquent, dynamique et persuasif. Déjà il répudie la pantomime traditionnelle, composée de formules toutes faites. Il sait se faire comprendre par des moyens qui ne doivent rien aux autres arts. Il devient complet et profond. Et, dût cet aveu passer pour un odieux blasphème, je suis de ceux qui voient en lui — après la faillite désormais inévitable des drames chantés — le dernier refuge, le plus sûr, d’ailleurs, et le plus universel, du lyrisme de l’avenir !

Émile Vuillermoz.