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82 LA REVUE MUSICALE 178

salent de partout et semblaient comme des oiseaux peupler les branches des arbres. Ils en descendaient sur un air mélodieux et poursuivaient les hommes. Ceux-ci commençaient à prendre conscience de la beauté de la nature et de leur misérable situation. L’amour et la gratitude pour la première fois pénétraient en leur âme, ils s’empressaient autour du Titan libérateur. Cette libre interprétation du mythe antique était intéressante. Les trois actes suivants étaient moins réussis et d’un sens allégorique assez obscur. Viganô disait n’avoir pas voulu composer un drame régulier, mais six vastes tableaux. « Sans doute, écrit Stendhal, il y a des parties absurdes dans Prométhée, mais au bout de dix ans, le souvenir en est aussi frais que le premier jour et l’on s’étonne encore (1). » Au point de vue chorégraphique, le principal intérêt de Prométhée consistait dans la parfaite mise au point des mouvements de foule, des évolutions cadencées des divers groupes. C’était là le secret de Viganô, secret qu’au témoignage des contemporains il emporta dans sa tombe. Otello offre un autre type de ballet dramatique. Il commençait par une fête, idée originale dont Stendhal a célébré la hardiesse en une page souvent citée (2). On assistait au triomphe d’Othello vainqueur, à sa réception solennelle par le Sénat de Venise et aux réjouissances populaires, excellent prétexte pour faire danser la forlana, mais ensuite toute l’action se concentrait entre Othello, Desdémone et lago, avec l’intervention de rares personnages épisodiques. Depuis que le cinématographe nous a révélé la possibilité d’actions muettes d’un effet terrifiant et non moins expressives, d’une psychologie non moins délicate que les drames récités, nous imaginons assez bien ce que pouvait être la mort de Desdémone, mimée par des artistes de génie comme la Pallerini et Mollnari. Est-ce à dire que le principal mérite en revenait aux inteprètes ? Nullement, car il ne s’agissait pas ici de jeux de scène laissés à l’initiative des acteurs. Tous les gestes, tous les mouvements étaient réglés par Viganô et devaient 8 exécuter sinon en cadence, du moins sur un rythme déterminé. Mjrra qui précéda Olello, est tirée de la tragédie d’Alfieri. Il y a beaucoup


1) Rome. Naples et Florence, I, 395.

2) Vie de Rossini. 1824. p. 284.