Page:Le Bon - Lois psychologiques de l’évolution des peuples.djvu/29

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Quand il transforma la république en dictature, les instincts héréditaires de la race se manifestaient chaque jour avec plus d’intensité ; et, à défaut d’un officier de génie, un aventurier quelconque eut suffi. Cinquante ans plus tard l’héritier de son nom n’eut qu’à se montrer pour rallier les suffrages de tout un peuple fatigué de liberté et avide de servitude. Ce n’est pas Brumaire qui fit Napoléon, mais l’âme de la race qu’il allait courber sous son talon de fer.[1]

Si l’influence des milieux sur l’homme paraît aussi grande, c’est précisément parce qu’ils agissent sur les éléments accessoires et transitoires, ou encore sur les possibilités du caractère dont nous venons de parler. En réalité, les changments ne sont pas bien profonds. L’homme le plus pacifique, harcelé par la faim, arrive à un degré de férocité qui le pousse à tous les crimes et parfois même à dévorer son semblable. Dira-t-on pour cela que son caractère habituel a définitivement changé ?

Que les conditions de la civilisation conduisent les uns à l’extrème richesse et à tous les vices qui en sont l’inévitable suite qu’elles créent chez les autres des besoins considérables sans leur donner les moyens de les satisfaire, il en résultera un mécontentement et un malaise général, qui agiront sur la conduite et provoqueront des bouleversements de toute sorte mais dans ces mécontentements, ces bouleversements, se manifesteront toujours les caractères fondamentaux de la race. Les Anglais des Etats-Unis ont jadis apporté à se déchirer entre eux, pendant leur guerre civile, la même persévérance, la même énergie indomptable qu’ils mettent aujourd’hui à fonder des villes, des universités et des usines. Leur caractère ne s’est pas modifié. Seuls les sujets auxquels on l’appliquait ont changé.

  1. «A son premier geste, écrit Taine, les Français se sont prosternés dans l’obéissance, et ils y persistent comme dans leur condition naturelle, les petits paysans et soldats, avec une fidélité animale les grands dignitaires et fonctionnaires, avec une servilité byzantine. De la part des républicains, nulle résistance au contraire, c’est parmi eux qu’il a trouvé ses meilleurs instruments de règne, sénateurs, députés, conseillers d’Etat, juges, administrateurs de tout degré. Tout de suite, sous leurs prêches de liberté et d’égalité, il a démêlé leurs instincts autoritaires, leur besoin de commander, de primer, même en sous-ordre, et, par surcroit, chez la plupart d’entre eux, les appétits d’argent ou de jouissance. Entre le délégué du Comité de Salut Public et le ministre, le préfet ou le sous préfet de l’Empire, la différence est petite c’est le même homme sous deux costumes, d’abord en carmagnole, puis en habit brodé».