Page:Le Bon - Lois psychologiques de l’évolution des peuples.djvu/42

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le blanc du nègre ou même le nègre du singe.

Mais plusieurs raisons s’opposent à ce que cette différenciation intellectuelle des couches sociales, tout en devenant considérable, s’accomplisse avec autant de rapidité qu’on pourrait théoriquement l’admettre. En premier lieu, en effet, la différenciation ne porte guère que sur l’intelligence, peu ou pas sur le caractère et nous savons que c’est le caractère, et non l’intelligence, qui joue le rôle fondamental dans la vie des peuples. En second lieu, les masses tendent aujourd’hui, par leur organisation et leur discipline, à devenir toutes puissantes. Leur haine des supériorités intellectuelles étant évidente, toute aristocratie intellectuelle est probablement destinée à se voir violemment détruite par des révolutions périodiques, à mesure que les masses populaires s’organiseront, comme fut détruite, il y a un siècle, l’ancienne noblesse. Lorsque le socialisme aura subjugué un pays, sa seule chance d’exister quelques temps serait de faire disparaître, jusqu’au dernier, tous les individus possédant une supériorité capable de les élever, si faiblement que ce soit, au-dessus de la plus humble moyenne.

En dehors des deux causes que je viens d’énoncer et qui sont d’ordre artificiel, puisqu’elles résultent de conditions de civilisation pouvant varier, il en est une beaucoup plus importante -parce qu’elle représente une loi naturelle inéluctable- qui empêchera toujours l’élite d’une nation, non pas de se différencier intellectuellement des couches inférieures, mais de s’en différencier considérablement. En présence des conditions actuelles de la civilisation différenciant de plus en plus les hommes d’une même race, se trouvent en effet les pesantes lois de l’hérédité, qui tendent à faire disparaître, ou à ramener à la moyenne, les individus qui la dépassent trop nettement.

Des observations déjà anciennes, mentionnées par tous les auteurs de travaux sur l’hérédité, ont prouvé en effet, que les descendants de familles éminentes par l’intelligence subissent tôt ou tard -tôt, le plus souvent,- des dégénérescences qui souvent amènent leur disparition complète.

La grande supériorité intellectuelle ne paraît donc s’obtenir qu’à la condition de laisser derrière soi des dégénérés. En fait, c’est seulement par l’emprunt constant d’éléments