Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/113

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éducateurs. Et cela n’est pas étonnant ! Ils n’ont ni initiative ni responsabilité, pas plus pour l’instruction que pour l’éducation[1] !

Nous avons vu, a dit M. Ribot devant la Chambre des députés, et cela sautait aux yeux, que dans nos lycées s’était introduit un système de centralisation poussé si loin, avec une minutie bureaucratique si perfectionnée, que nos proviseurs, les chefs de nos établissements, ceux qui ont la charge de développer l’initiative chez les élèves, à qui on dit toujours « Faites des hommes et exaltez le sentiment de la responsabilité, » quand ils se regardent eux-mêmes, sont les serviteurs liés par les chaînes les plus étroites, par les ordres venus soit de la rue de Grenelle, soit du cabinet d’un recteur.

La situation est véritablement pénible et je n’y veux pas insister. Un proviseur ne peut pas disposer d’une somme de 5 francs pour gratifier un serviteur fidèle ; il ne peut ordonner une promenade, introduire une innovation quelconque — je ne parle pas des études, mais de l’administration intérieure du lycée et de la discipline — sans se heurter à des règlements ; un proviseur passe son temps à accuser réception des circulaires qui viennent par centaines s’empiler sur son bureau ; bien plus, un proviseur d’un de nos lycées, que nous avons mis à la campagne sans doute pour faire des expériences et pour donner aux élèves la liberté dans les champs reconquis, ce proviseur se croit obligé de suivre fidèlement la consigne donnée aux proviseurs des lycées urbains, de mettre en rang ses élèves le dimanche ou le jeudi pour aller sur les routes poudreuses de nos villages de banlieue au lieu de leur ouvrir le parc de dix ou de quinze hectares que l’État a acquis à grands frais. Quand nous lui demandons pourquoi faites-vous ainsi ? Parce que, dit-il, mes prédécesseurs ont fait ainsi et que je ne veux pas m’exposer à des reproches en faisant autrement[2].

Un proviseur, en général, ne sait pas toujours exactement ce qui se passe dans son établissement. Il n’ose pas intervenir dans les classes. Il éprouve à l’égard du professeur un certain sentiment de défiance et il ne prend pas la liberté de lui donner des conseils. De son côté, le professeur le tient quelquefois en faible estime.

J’estime, — avec M. le Président — que le véritable défaut de nos lycées, c’est le manque de solidarité, d’unité, d’harmonie

  1. Enquête, t. II, p. 295. Clairin, président de la Commission de l’Enseignement.
  2. Séance de la Chambre des Députes du 13 février 1902, p. 657 de l’Officiel.