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Parmi les arguments classiques en faveur du latin on a naturellement invoqué l’utilité qu’il pouvait avoir pour l’étude du droit. La réponse a été faite d’une façon catégorique par des juristes dont personne ne discutera l’autorité, notamment par M. Sarrut, avocat général à la Cour de Cassation.

De nos huit codes, il n’y a évidemment que le Code civil qui ait quelques points de contact avec le droit romain ; on ne peut pas trouver la moindre trace de droit romain dans les sept autres codes.

En fait, le droit romain n’est pas étudié. Sur quarante licenciés en droit, trente-neuf n’ont pas ouvert un livre de droit romain. À peine un élève de nos lycées sur dix est-il en état de traduire un texte de droit romain, même à coups de dictionnaire[1].

Dans la liste des arguments, d’ailleurs peu variés, que l’on a fait valoir devant la Commission en faveur du latin, il en est un que sa bizarrerie mérite de sauver de l’oubli. Son auteur est un professeur, M. Boudhors, qui a découvert que dans la littérature latine « nous avons une littérature républicaine que nous ne retrouverons pas ailleurs. » L’antiquité grecque et latine représente, dans l’opinion de ce brave universitaire, « des citoyens libres dans des pays libres[2]. »

On s’étonne de voir des idées aussi vieillottes et aussi fausses répandues encore dans l’Université. Est-il vraiment nécessaire de les réfuter ? Toutes ces républiques antiques n’étaient que de petites oligarchies où des familles aristocratiques régnaient souverainement sur une vile multitude, et rien n’était moins démocratique qu’un tel régime, pas plus au temps de Caton qu’au temps de César ou à celui des répu-

  1. Enquête, t. II, p. 575. Sarrut, avocat général à la Cour de cassation.
  2. Enquête, t. II, p. 140.