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Aujourd’hui, sur le terrain industriel et commercial, nous sommes également vaincus par un ennemi scientifiquement organisé[1].

Cet enseignement professionnel qui nous manque et pour lequel il serait bien difficile d’ailleurs de trouver des professeurs, pourrait avoir — sans les préjugés de l’opinion dont je viens de parler — un nombre immense d’élèves. Les documents statistiques fournis à l’enquête en donnent la preuve incontestable.

On peut se faire une idée, par les chiffres suivants, du préjudice causé notre prospérité économique par ce véritable accaparement de la jeunesse par l’enseignement secondaire. Le nombre des élèves recevant en France l’enseignement secondaire s’élève aujourd’hui à cent quatre-vingt mille. Or la clientèle de l’enseignement technique industriel, commercial et même agricole, ne dépasse pas vingt-deux mille. La proportion est donc de huit contre un, au désavantage de ce dernier. Or c’est le contraire qui devrait se produire, si l’on remarque que la population commerciale, industrielle et agricole de la France forme les neuf dixièmes de la population totale, et que c’est en somme l’agriculture, le commerce et l’industrie qui font vivre et grandir les nations[2].

Eh oui, sans doute, c’est l’agriculture, l’industrie et le commerce qui font vivre et grandir les nations, et nullement les avocats et les bureaucrates[3]. Tous les efforts d’une Université éclairée devraient tendre à fortifier l’enseignement donné à la fraction la plus importante d’un pays, aussi bien par le nombre que par la richesse qu’elle lui procure. Or, c’est justement le contraire qui se produit. L’enseignement professionnel n’a pas seulement à lutter contre les pré-

  1. Enquête, t. II, p. 442. Blondel, ancien professeur de faculté.
  2. Enquête, t. II, p. 513. Jacquemart, inspecteur de l’enseignement.
  3. Les Allemands le savent fort bien et c’est pourquoi ils multiplient chaque jour leurs écoles professionnelles. La Saxe, qui n’a que trois millions d’habitants, possède trois écoles d’art industriel, trois écoles d’industrie supérieure, cent onze écoles professionnelles pour les professions spéciales, quarante écoles de commerce, etc.