Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/218

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faire craindre. La peur sera pour lui le commencement de la sagesse et quand il est sage, on s’en fait facilement aimer[1].

Le modeste surveillant qui a émis cette assertion me semble beaucoup mieux connaître la psychologie de l’enfant que l’immense majorité des parents et des professeurs. L’enfant, qui répète dans les premières phases de sa vie la série ancestrale, a tous les défauts des primitifs, avec leur force en moins. Il est méchant quand il peut l’être sans inconvénient pour lui. La crainte seule, et non la raison, peut limiter ses mauvais instincts. Si on sait se faire craindre, on sait se faire obéir. Le Père Didon a dit avec raison devant la Commission :

Quand on commande bien, on est toujours obéi, et quand on commande mal, on ne l’est jamais, même par les êtres disciplinés qu’on a cru former[2].

L’art de commander, manque tout à fait, malheureusement, à la plupart de nos professeurs. C’est un art qui ne s’enseigne pas dans les livres.

L’insupportable discipline du collège, ne laissant aucune initiative à l’élève, jointe aux tolérances de la vie familiale et au défaut de prestige des parents, transforme vite le lycéen en un petit être intolérable, férocement égoïste, et incapable de faire un pas sans être dirigé. Le jeune Anglais, qui ne se sent pas protégé par ses parents ni surveillé par ses professeurs au collège, est conduit à une conception de la vie toute différente de celle de nos lycéens. Habitué dès le jeune âge à ne compter sur personne, à donner et recevoir des coups, il apprend vite le respect des autres, la maîtrise de ses désirs, et la nette

  1. Enquête, t. II, p. 393. Potot, surveillant général à Sainte-Barbe.
  2. Enquête, t. II, p. 458.