on pourrait dire que le premier repose uniquement sur l’étude des livres, et le second exclusivement sur l’expérience. Les Latins croient à la toute-puissance éducatrice des leçons, alors que les Anglais et les Américains n’y croient aucunement. Ces derniers veulent que l’enfant, dès le début de ses études, s’instruise surtout par l’expérience.
J’engage fortement les jeunes gens, écrit S. Blakie, professeur à l’Université d’Edimbourg, à commencer leurs études par l’observation directe des faits, au lieu de se borner aux exposés qu’ils trouvent dans les livres… Les sources originales et réelles de la connaissance ne sont pas les livres ; c’est la vie même, l’expérience, la pensée, le sentiment, l’action personnelle. Quand un homme entre ainsi muni dans la carrière, les livres peuvent combler mainte lacune, corriger bien des négligences, fortifier bien des points faibles ; mais sans l’expérience de la vie, les livres sont comme la pluie et le rayon de soleil tombés sur un sol que nulle charrue n’a ouvert.
Les conséquences de ces deux méthodes d’instruction peuvent être jugées d’après leurs résultats. Le jeune Anglais, le jeune Américain, à la sortie du collège, n’ont aucune difficulté pour trouver leur voie dans l’industrie, les sciences, l’agriculture ou le commerce, tandis que nos bacheliers, nos licenciés, nos ingénieurs, ne sont bons qu’à exécuter des démonstrations au tableau. Quelques années après avoir terminé leur éducation, ils ont totalement oublié leur inutile science. Si l’État ne les case pas, ce sont des déclassés. S’ils se rabattent sur l’industrie, ils n’y seront acceptés que dans les emplois les plus infimes jusqu’à ce qu’ils aient trouvé le temps de refaire entièrement leur éducation, tâche qui leur sera très difficile. S’ils écrivent des livres, ce ne seront que de pâles rééditions de leurs manuels, aussi pauvres dans la forme que dans la pensée.