Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/289

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Ce n’est pas ici le lieu de rechercher si l’aptitude aux mathématiques constitue une supériorité transcendante, comme pourraient le faire croire les programmes d’admission aux grandes écoles. On montrerait aisément que c’est une faculté analogue à tout autre disposition pour un art ou une science quelconques.

Prétendre que le développement de l’enseignement des mathématiques, tel qu’il est donné par nos grandes écoles, fortifie le raisonnement et développe le jugement, constitue une assertion illusoire. Cet avis est, du reste, celui des savants qui sont le mieux à même de connaître les élevés adonnés presque exclusivement à ces études. Voici, par exemple, comment s’est exprimé M. Buquet, directeur de l’École Centrale, devant la Commission d’enquête :

C’est par les mathématiques élémentaires, par la géométrie, que les élèves se rendent compte des choses, raisonnent. Quand on s’enfonce plus avant dans les mathématiques spéciales, on arrive à une certaine gymnastique de chiffres, de lettres et de formules, qui ne forme pas beaucoup l’intelligence, et pas du tout le jugement quand ils ne sont pas suivis d’explications qu’on devrait donner et qu’à mon avis, on ne donne pas assez, ou précédés d’études approfondies[1].

Les mathématiques peuvent développer le goût des raisonnements subtils, mais il est fort douteux qu’elles exercent le jugement. Les mathématiciens les plus éminents ne savent souvent pas se conduire dans la vie et, sont embarrassés par les choses les plus simples. Napoléon le constata quand il eut fait de Laplace, le plus illustre mathématicien de son temps, un administrateur. Voici comment il raconte lui-même l’aventure :

  1. Enquête, t. II, p. 503. Buquet, directeur de l’École Centrale.