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dence. C’est par cette dernière méthode, et par là seulement, que l’élève peut espérer acquérir au moins quelque chose de l’esprit du chercheur scientifique[1].

La méthode indiquée ici pour retrouver les vieilles vérités est la méthode expérimentale, si chère aux Anglais. M. H. Le Chatelier, sans contester nullement sa valeur, recommande avec raison la lecture de mémoires originaux des créateurs de la science.

On pourrait faire analyser les mémoires scientifiques originaux qui sont restés classiques ceux de Lavoisier, Gay-Lussac, Dumas, Sadi-Carnot, Regnault, Poinsot, en demandant de bien mettre en relief leurs points essentiels, ou discuter les avantages comparatifs de deux méthodes expérimentales ayant un même objet, celle du calorimètre à glace et du calorimètre à eau, par exemple ; faire des programmes d’expériences pour des recherches sur un sujet donné ; en un mot, imiter ce qui se fait avec beaucoup de raison dans l’enseignement littéraire. Avant tout, ce qu’il faudrait emprunter à cet enseignement est la lecture régulière des auteurs classiques. En apprenant dans un cours les résumés des expériences de Lavoisier ou de Dumas, on n’étudie pas mieux la science qu’on étudierait la poésie dramatique en apprenant des résumés des pièces de Corneille. À côté et autour des faits, il y a tout un cortège d’idées dans un cas, de sentiment et de mélodie dans l’autre, qui constituent bien plus que les faits matériel la science ou la poésie. Les résumés, bons pour la préparation aux examens, sont stériles pour le développement de l’esprit et de l’imagination.

Mais avant tout, pour communiquer à l’esprit des jeunes gens cette activité indispensable, il faut d’abord l’obtenir de leurs professeurs. Pour apprendre à leurs élèves à penser et à vouloir, il faut qu’ils commencent par penser et par vouloir eux-mêmes. S’ils ne sont pas activement mêlés au mouvement des recherches scientifiques, s’ils ne parlent de la science que par ouï-dire et sans conviction, ils ne peuvent avoir de prise sur l’esprit de leurs auditeurs. Ils prépareront peut-être d’excellents candidats aux examens, ils ne formeront pas d’intelligences[2].

Bien rares sont les professeurs ne se bornant pas à parler de la science autrement que par ouï dire et

  1. Michaël Forster. Discours politique au Congres de l’Association britannique pour l’avancement des sciences. Revue Scientifique, 1899, p. 393.
  2. Le Chatelier. L’Enseignement scientifique. Revue des Sciences.