Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/321

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faute est double si cette instruction est dispensée en une langue étrangère à l’élève.

Il y a en effet derrière les vocables de toute langue, des idées et des sentiments que les mots étrangers ne permettent pas d’atteindre. À des mots même d’un usage général à tous les peuples, correspondent, suivant les latitudes ou les époques, des conceptions différentes. L’idéal de beauté est-il le même chez les Hottentots que chez les Chinois, les Japonais, le Français du moyen âge et le Français moderne ? La bonté chrétienne a-t-elle rien de commun avec la bonté de l’Hindou ou du Musulman ?

Lorsqu’un peuple emprunte, de gré ou de force, la langue d’un autre peuple, il peut en acquérir les mots, non les idées et les sentiments que ces mots sous-entendent.

L’évolution linguistique correspond à une lente transformation physiologique du cerveau. Or, le cerveau n’étant pas conformé de la même façon suivant les races, et le nombre de ses circonvolutions et son volume augmentant à mesure qu’on s’élève au point de vue intellectuel, on comprend qu’une langue supérieure ne puisse être adoptée par un peuple inférieur, sans être aussitôt déformée, c’est-à-dire adaptée à sa complexion mentale. Du latin importé chez les Gaulois est sorti le français ; notre français importé aux Antilles est devenu le parler créole.

Ce qui précède permet de pressentir quels résultats peut donner l’instruction moderne dispensée à des peuples inférieurs en une langue européenne. Nous avons pu le constater bien des fois chez les Annamites.