Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/334

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jeunes Français qui, chaque année, lui passent par les mains. Il s’en faut malheureusement, et nous sommes obligés de constater que les résultats ne sont pas ce qu’ils pourraient être. En somme, ce que nous rendons au pays ne paraît pas valoir beaucoup mieux que ce que nous en avons reçu ; dans le bain de l’armée, le fer ne se change pas en acier.

… Les officiers, dit-on, ne savent pas profiter des longues heures d’oisiveté dont jouissent les militaires — si toutefois c’est une jouissance de se traîner dans les rues ou d’errer dans les corridors des quartiers — et qui, mises bout à bout, forment un total respectable. Ils ne savent pas les employer en partie à cultiver l’esprit de leurs soldats, à façonner leur caractère, à transformer leurs âmes, à en faire, en un mot, des individualités solidaires et conscientes, à préparer à l’État des citoyens au courant de toutes leurs obligations sociales. Il n’y a que dans l’armée, ajoute-t-on, que se rencontre un pareil gaspillage de temps.

… Dans les régiments, la partie éducation se borne presque toujours à quelques théories, dites morales, prévues à l’avance comme toutes les autres parties du service. Les officiers espèrent sauvegarder leur supériorité en tenant l’homme à distance, en se renfermant dans une sorte de morgue indifférente.

Les généraux de notre glorieuse époque étaient loin d’avoir vis-à-vis de leurs compagnons d’armes la morgue et le dédain qu’affichent beaucoup trop de jeunes officiers de nos jours. Il est vrai que ceux-ci ont pour excuse de n’avoir fait que passer des examens à un âge où leurs anciens avaient gagné des batailles.

… Nous avons, nous, officiers, à remplir un devoir dont beaucoup d’entre nous ne se doutent même pas. Il n’est pas inutile de le rappeler, à notre époque où l’armée se dresse encore debout, mais où elle sent sa base entamée par les théories subversives, tel un phare dont les fondations sont minées par les flots.

… Le désir de paraître n’est pas le seul reproche qu’on fasse, dans l’armée, aux dernières générations d’officiers prises dans leur ensemble. On trouve le plus grand nombre d’entre eux trop personnels, trop occupés du culte de leur « moi ».

… Un fait certain, c’est qu’on est assez mécontent, dans l’armée, de l’état d’esprit des jeunes officiers on leur trouve trop de prétentions et pas assez de zèle, plus préoccupés de leur propre carrière que de l’accomplissement de leurs devoirs professionnels[1].

  1. Rôle social de l’officier, conférences faites aux élèves de l’École spéciale militaire, par le commandant Ebener. In-8°, Paris, Librairie militaire.