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Page:Le Bon - Psychologie des foules, Alcan, 1895.djvu/44

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PSYCHOLOGIE DES FOULES

Georges ne fut certainement aperçu que par un des assistants. Par voie de suggestion et de contagion le miracle signalé par un seul fut immédiatement accepté par tous.

Tel est toujours le mécanisme de ces hallucinations collectives si fréquentes dans l’histoire, et qui semblent avoir tous les caractères classiques de l’authenticité, puisqu’il s’agit de phénomènes constatés par des milliers de personnes.

Il ne faudrait pas, pour combattre ce qui précède, faire intervenir la qualité mentale des individus dont se compose la foule. Cette qualité est sans importance. Du moment qu’ils sont en foule, l’ignorant et le savant sont également incapables d’observation.

La thèse peut sembler paradoxale. Pour la démontrer à fond, il faudrait reprendre un grand nombre de faits historiques, et plusieurs volumes n’y suffiraient pas.

Ne voulant pas cependant laisser le lecteur sous l’impression d’assertions sans preuves, je vais lui donner quelques exemples pris au hasard parmi les monceaux de ceux que l’on pourrait citer.

Le fait suivant est un des plus typiques, parce qu’il est choisi parmi des hallucinations collectives sévissant sur une foule où se trouvaient des individus de toutes sortes, les plus ignorants comme les plus instruits. Il est rapporté incidemment par le lieutenant de vaisseau Julien Félix dans son livre sur les courants de la mer, et a été autrefois reproduit dans la Revue Scientifique.

La frégate la Belle-Poule croisait en mer pour retrouver la corvette le Berceau dont elle avait été séparée par un violent orage. On était en plein jour et en plein soleil. Tout à coup la vigie signale une embarcation