Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/109

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Ne nous excusons pas de défendre d’aussi banales évidences puisque des millions d’hommes encore semblent les ignorer. Elles commencent cependant à se répandre dans divers pays, l’Angleterre et la Belgique surtout. C’est pourquoi le socialisme n’y a pas revêtu les formes agressives constatées chez les peuples latins où il a rapidement dégénéré en une guerre de classe.

L’incompréhension totale de certains principes élémentaires, prouve la nécessité d’une éducation nouvelle de la démocratie. Elle aurait pour premier but de lui faire saisir les relations unissant ces trois éléments de l’activité moderne : l’intelligence, le capital et le travail.


En attendant cette réforme non ébauchée encore, et qu’on ne doit certes pas espérer de notre Université, il faut vivre avec les foules et pour cela apprendre à les connaître.

Remarquons tout d’abord que gouvernement populaire ne signifie nullement gouvernement par le peuple mais bien par ses meneurs. Ce ne sont pas les multitudes qui font l’opinion. Elles la subissent, puis, hypnotisés, l’imposent ensuite avec violence. Tel est le mécanisme de ce qu’on nomme un mouvement d’opinion.

Jamais, en effet, ou presque jamais, les foules ne déterminent de tels mouvements. Elles leur impriment une force irrésistible mais ne les créent pas. Lors de l’exécution de Ferrer, personnage dont le peuple parisien n’avait jamais entendu parler, quelques meneurs conduisirent plusieurs milliers d’hommes attaquer l’ambassade d’Espagne. Exaspérée par leurs discours sans d’ailleurs comprendre pourquoi, car de l’événement initial elle ne savait presque rien, la foule se livra à toutes les violences y compris le pillage et l’assassinat. Un peu effrayés, les meneurs ordonnèrent pour le lendemain une manifestation pacifique. Et la même foule, si violente la veille, se montra d’une sagesse exemplaire.

La docilité des foules est extrême, en effet, quand on sait les guider. L’art de les manier est assez connu des grands meneurs d’aujourd’hui.

C’est donc seulement en apparence, je le répète, que gouvernent les multitudes. Loin d’être vraiment populaires les gouvernements actuels représentent simplement une oligarchie de meneurs.