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CHAPITRE II

Genèse de la persuasion


Sous l’extension des influences populaires, certains événements politiques éclatent souvent avec une soudaineté aussi surprenante pour le public que pour les hommes d’État. Rien ne permettait de les prévoir et nul ne les avait prévus.

Cette soudaineté se manifesta notamment dans la Révolution turque, renversant en peu de jours un gouvernement plusieurs fois séculaire. Elle s’est montrée encore dans la grève des postiers, déclarée en quelques instants, puis dans l’insurrection de Barcelone, où des citoyens paisibles transformés presque instantanément en brigands sanguinaires, incendièrent les couvents, les églises et déterrèrent les morts.

Les interprétations théoriques de ces subites explosions, données après coup, ne les expliquent guère. Pour les comprendre, il faut se résigner à mettre de côté notre logique rationnelle. Elle peut, cette logique, nous servir à imaginer des causes fictives pour les événements, mais non les créer.

Certes, ces mouvements populaires ne sont pas fils du hasard, mais les sentiments inconscients qui les engendrent obéissent à des lois dont l’étude est à peine entrevue encore.

Un fait demeure cependant parfaitement acquis. Ces brusques insurrections ont, le plus souvent, pour point de départ, l’influence de quelques meneurs. Il importe donc tout d’abord de découvrir comment ces derniers agissent et pourquoi leur action est parfois si rapide et si sûre, quoique leurs moyens paraissent fort méprisables à notre raison.


Je n’étais pas encore sorti de l’enfance lorsque, sur la grande place d’une petite ville de province, je reçus à ce sujet une leçon de psychologie qui m’impressionna fort. Une trentaine d’années me furent du reste, nécessaires pour en saisir toute la portée.