Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/118

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Ce ne fut pas bien entendu, la leçon qui me frappa alors, mais son auteur, personnage imprévu, couvert d’une tunique d’or constellée de pierreries.

Était-ce un roi mage, un satrape assyrien, un fabuleux rajah ? Troublant problème.

Le trône d’où rayonnait sa splendeur dominait un char que traînaient des chevaux caparaçonnés de pourpre. Derrière lui, deux guerriers, porteurs d’armures étincelantes, lançaient dans de longues trompettes d’argent des appels sonores et mystérieux.

Une foule admirative, à chaque instant plus dense, l’enveloppa bientôt. Soudain il fit un geste, les trompettes se turent et un silence anxieux s’étendit.

Alors, se soulevant avec une royale nonchalance, le mage éclatant haranga la multitude. Elle écoutait, attentive, respectueuse et charmée.

Ce qu’il disait ? J’étais trop loin pour bien l’entendre et compris seulement que ce puissant personnage venait des contrées lointaines, où régnait jadis la reine de Saba, pour donner aux hommes, en échange de sommes minimes, des boîtes magiques contenant une poudre merveilleuse capable de guérir tous les maux et d’assurer le bonheur.

Il se tut, les trompettes répétèrent leurs appels et la foule éblouie se précipita pour acheter les miraculeuses boîtes. Je l’aurais bien volontiers imitée, mais hélas, ma famille, désireuse de m’inculquer le mépris des richesses, et de m’éviter, disait-elle, le sort de Sardanapale, laissait mes poches totalement vides.

Plus amers encore furent mes regrets lorsque j’appris les cures prodigieuses accomplies par la magique poudre. Sans doute, le pharmacien du lieu, homme jaune, sec et sévère, prétendit que les boîtes contenaient uniquement du sucre. Mais, que pouvaient valoir, je vous prie, les dires de ce boutiquier jaloux contre les affirmations d’un mage couvert d’or, derrière lequel d’imposants guerriers sonnaient du buccin ?

Tout s’efface cependant, les joies toujours, les amertumes quelquefois. Les années descendirent leur rapide spirale, estompant un peu le souvenir du magicien dont l’apparition imposante avait enchanté ma vie d’enfant.

J’acquis les connaissances inutiles du collège et parmi elles la logique, d’après laquelle, assuraient mes maîtres, se forment nos croyances et se dirigent nos actions.