Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/13

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prit qu’il n’en existait pas. Mon étonnement fut le même que lorsque 15 années auparavant voulant entreprendre l’étude de la psychologie des foules, je constatai qu’aucun écrit n’avait paru sur ce sujet.

Ce n’est pas, certe, que les dissertations politiques aient jamais manqué. Elles abondent au contraire depuis Aristote et Platon, mais leurs auteurs furent le plus souvent des théoriciens, étrangers aux réalités de leur temps et ne connaissant que l’homme chimérique enfanté par des rêves. Ni la psychologie, ni l’art de gouverner n’ont rien à leur demander.

L’absence d’ouvrages classiques sur un tel sujet et la non-existence de chaires consacrées à son enseignement prouvent que son utilité n’apparaît pas clairement. Il était donc nécessaire de la démontrer. Ce sera un des buts de ce livre.

La psychologie politique s’édifie, je l’ai dit plus haut, sur des matériaux tirés de l’étude de la psychologie individuelle, de celle des foules, de celle des peuples et enfin des enseignements de l’histoire. Plusieurs de ces matériaux commencent à être connus, mais ils ne sont pas le monument lui-même.

Dans l’état actuel de nos connaissances, la politique ne peut être qu’une adaptation journalière de la conduite à des nécessités. Rationnelles ou non, il n’importe si ce sont des nécessités. Les préjugés héréditaires d’un peuple et ses croyances religieuses peuvent être déclarées absurdes par la raison, mais un véritable homme d’État ne tentera jamais de les combattre, sachant qu’il ne peut le faire utilement. Seuls, des théoriciens, ignorants des réalités, croient que la raison pure gouvernera le monde et transformera les hommes. En réalité, l’intelligence prépare lentement les changements qui, à la longue, transformeront nos âmes, mais son action immédiate est très faible. Fort peu de choses peuvent être changées par elle brusquement.

La psychologie politique est encore, nous l’avons dit, dans l’âge des incertitudes. Cependant des règles (empiriques souvent, mais pourtant très sûres), se dégagent chaque jour. Ce n’est pas en les formulant qu’on saurait prouver leur valeur, mais bien en montrant les conséquences de leur ignorance. Ce sera encore un des buts que je me propose.