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sivement hindous, nous avons, en dehors d’un sénateur et d’un député, plus de 100 fonctionnaires, dont 38 magistrats. En Indo-Chine, ils forment une armée.

Tous partent d’Europe animés d’un zèle ardent, mais il leur faut bientôt reconnaître que forcer un peuple à renier ses institutions pour adopter celles d’un autre est une utopie réalisable seulement dans les livres. Leurs tentatives n’ont pour résultat qu’une complète anarchie. Aux prises avec des difficultés de toute sorte, chacun d’eux essaye d’improviser un système bâtard destiné à concilier tous les intérêts, et qui, naturellement, n’en satisfait aucun.

De temps à autre, un gouverneur énergique et clairvoyant pratique des coupes sévères parmi ces rangs épais de bureaucrates, et la colonie respire momentanément. C’est ainsi que, dans l’Indo-Chine, monsieur Constans en supprima d’un seul coup un nombre suffisant pour peupler une petite ville, et réalisa ainsi sur cet unique chapitre une économie annuelle de plus de 8 millions. Bien entendu aussitôt son départ, on s’empressa de les réintégrer.

Ce n’est pas uniquement au défaut de capacité de nos fonctionnaires qu’il faut attribuer leur insuccès, mais à l’absurdité du devoir imposé. Ils quittent la France avec la mission d’appliquer nos institutions à des peuples qui ne sauraient les accepter ni même les comprendre. De loin, rien ne leur semble plus facile. Mais, sitôt à leur poste, le découragement les saisit avec le sentiment d’une complète impuissance. Les gouverneurs eux-mêmes renoncent à cette trop lourde tâche. On vit autrefois, en 6 ans, 15 gouverneurs généraux se succéder en Indo-Chine, soit une moyenne de 5 mois pour chacun. S’ils y restent plus longtemps aujourd’hui, c’est que l’emploi étant royalement rétribué, on le donne à des hommes politiques influents.

Instruit par l’échec désastreux de son prédécesseur, chaque nouveau gouverneur essaye un système différent, et ne fait qu’accroître l’anarchie. Ce n’est pas toujours, d’ailleurs, ses vues personnelles qu’il applique, mais celles que le télégraphe lui impose. Le gouverneur cité plus haut faisait remarquer, dans un intéressant discours prononcé devant la Chambre des députés, qu’en un règne de 6 mois, il avait dû obéir à 3 ou 4 ministres, "lui donnant chacun une impulsion différente."

Les conséquences d’un tel système, on le devine aisé-