Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/256

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contre leur politique que nous croyons décevante et chimérique et tous les jours pourtant, dans l’illusion d’apaiser leur hostilité systématique, nous leur livrons des lambeaux de nos convictions.

C’est hélas ce qu’a fait lui-même l’éminent homme d’État, montrant ainsi la puissance inconsciente de l’état d’esprit qu’il indique si clairement. Ses collègues du Sénat comptaient sur lui pour combattre le rachat des Chemins de fer de l’Ouest. Bien que seul capable de faire échouer un projet si désastreux pour nos finances, il s’est cependant abstenu. La peur est un puissant transformateur des opinions.

C’est justement pourquoi on constate tant de contradictions entre les paroles des hommes d’État et leur conduite. Nous avons vu un président du Conseil protester dans un discours contre les "criminelles divagations" des syndicats. Cette protestation ne l’a pas empêché, ainsi que le lui a fait remarquer un grand journal, de continuer "à payer sur les fonds des contribuables la propagande antipatriotique sous prétexte de subventions aux syndicats."

Une des caractéristiques les plus visibles de la mentalité actuelle des peuples latins est l’affaissement de la volonté, même (j’allais dire surtout), chez les plus hautes intelligences. Or ce fut toujours par cet affaiblissement du caractère, et non par celui de l’intelligence, que de grands peuples disparurent de l’histoire.


En dehors de leurs causes apparentes immédiates, les événements sont déterminés par un engrenage d’enchaînements lointains. Dans la graine visible l’arbre invisible est contenu. Les crises politiques actuelles nous frappent par leur violence, mais elles sont accompagnées et souvent engendrées par beaucoup d’autres. Leur ensemble révèle une perturbation profonde des esprits.

Il suffit de jeter les yeux autour de soi pour constater que la désorganisation actuelle porte sur toutes les forces morales, vrais soutiens d’un peuple. Crise de la famille qui se dissocie et ne se multiplie que fort lentement, crise des besoins augmentant beaucoup plus rapidement que les moyens de les satisfaire, crise de l’autorité que personne ne respecte, l’idée d’égalité faisant repousser toutes les supériorités, crise de la morale qui s’effondre pendant