Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

précisément qu’ils sont, en même temps que douloureux, humiliants. Un voyou se vantera de risquer le bagne ou même l’échafaud. Il ne se vantera pas d’avoir reçu 10 ou 20 coups de fouet.

Or, si nous ne considérons pas la peine comme un châtiment ni comme une rédemption, si elle nous apparaît, ce qu’elle doit être : un moyen de préservation, un procédé d’intimidation de nature à décourager les tentatives criminelles, quelle objection pourrait-on élever contre les châtiments corporels ?

En attendant, le voyou commence déjà à recruter des défenseurs. Un journal a publié le manifeste d’une brave doctoresse racontant qu’elle fut convertie au "voyouisme" par un jeune gredin, lui ayant fait comprendre que "l’honnêteté ne sert qu’à sauvegarder les riches". Être ouvrier, ajoutait, le triste vaurien, "c’est ennuyeux". La profession de voyou au contraire, est pleine d’imprévus agréables."

Séduite par d’aussi lumineux arguments, l’aimable dame arrive à cette conclusion "qu’il ne serait pas mal qu’il y ait dans notre armée révolutionnaire quelques voyous conscients."

Bel exemple des troubles que peut déterminer l’instruction sur de faibles cervelles.

L’expérience seule pourra nous renseigner sur les conséquences de notre humanitarisme.

Lorsque le danger sera devenu trop aigu, et qu’un nombre suffisant de philanthropes aura été éventré, notre sentimentalité s’évanouira rapidement. Alors, comme les Anglais, nous emploierons des moyens efficaces, les peines corporelles surtout. Quand les 30.000 voyous qui infestent Paris auront acquis la solide conviction qu’au lieu d’une villégiature en Nouvelle-Calédonie ou dans une prison bien chauffée, ils risquent le fouet, un labeur forcé et la guillotine, le travail leur semblera préférable au vol et à l’assassinat. En quelques semaines, Paris sera purgé de son armée de bandits. Nos législateurs découvriront alors que de toutes les formes d’imbécilité connues, l’humanitarisme est la plus funeste, aussi bien pour les individus que pour les sociétés. Il a toujours constitué un énergique facteur de décadence.

* * *