Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/304

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sur un peuple, il est près des grandes catastrophes. On sait à quel point ils pullulèrent, la veille de la Révolution. Que d’invocations à l’Être suprême, d’appels émus à la Fraternité, avant les massacres de Septembre et la permanence de la guillotine !

Le terme ultime de l’Évolution de l’humanitarisme fut invariablement de sanglantes hécatombes. Il faut craindre la peste, mais redouter beaucoup plus encore les philanthropes. Les sociétés n’eurent jamais de pires ennemis. Le philanthrope n’est nullement l’homme du progrès, mais celui qui détruit toutes les initiatives et entrave tous les progrès.


L’utilité des connaissances psychologiques pour désagréger les fatalités, apparaît clairement, je suppose. Un de nos plus éminents ministres des affaires étrangères, monsieur Hanotaux, consulté récemment par moi sur ce point, me disait qu’il ne voyait pour l’homme d’État aucune connaissance plus nécessaire, aucune qu’il ait eu à employer plus souvent pendant sa longue carrière.

La psychologie politique n’apprend pas seulement à combattre avec succès les fatalités qui entravent sans cesse la vie des peuples. Elle enseigne aussi à conduire les hommes et à diriger les événements.

Les grands hommes d’État : Richelieu, Cavour, Bismarck, le roi Edouard, etc., surent, non seulement gouverner, mais encore dissocier et détruire les éléments dont l’ensemble forme les fatalités de l’histoire.

Tous ces esprits éminents manièrent avec une précision merveilleuse les facteurs psychologiques qui nous mènent. Ils comprirent aussi le rôle des nécessités religieuses, sociales et économiques que chaque époque voit surgir et dont nous ne saurions être maîtres. Séparer les fatalités inévitables de celles qui ne le sont pas et ne jamais s’user dans d’inutiles luttes, est un des points fondamentaux de la psychologie politique.

On ne peut détruire en effet les fatalités créées par des conditions extérieures indépendantes de notre volonté, mais l’homme supérieur les utilise comme le marin utilise le vent malgré sa direction. C’est ainsi, par exemple, que devant le problème de la surproduction et des concurrences ruineuses qu’elle engendre, les Allemands, au lieu d’entrer en lutte contre des fatalités économiques, les ont