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utilisées par la création de ces syndicats de production dits cartells, qui empêchent concurrence et surproduction. Impuissants à comprendre les nécessités inéluctables de la concentration industrielle, nous combattons par des lois draconniennes ces syndicats, que l’empereur d’Allemagne aide au contraire de tout son pouvoir.

Clairvoyance d’un côté, aveuglement de l’autre.

Lorsque, incapable par ignorance d’utiliser les fatalités résultant de lois naturelles, on essaie de leur résister, il en résulte des calamités dont les générations futures subissent longtemps les conséquences. Chaque fatalité artificiellement créée implique, en effet, un déroulement nécessaire. Nous évoquions plus haut la guerre de 1870. Beaucoup de Français l’ont oubliée, à tel point qu’un professeur de l’École Normale Supérieure signalait récemment, dans le Temps, que certains candidats à cette école l’ignoraient complètement. Et, pourtant, nous sommes tellement enveloppés encore de son influence que ses conséquences continuent à régir l’Europe. Au seul point de vue de ses incidences financières, nous payons toujours 450 millions par an, rente des 15 milliards que cette guerre a coûtés. Parmi les autres conséquences de notre défaite, figure encore celle-ci, que, pour éviter l’attaque dont nos voisins victorieux n’ont pas manqué, depuis 1870, une seule occasion de nous menacer, nous avons dépensé en armements, suivant les calculs de monsieur Cochery, 53 milliards.

On voit ce que pèse l’imprévoyance des hommes d’État, et combien sont précieux pour leur pays, les grands hommes politiques, qui savent dans le présent lire un peu l’avenir, et éviter de créer des fatalités. Ils sont malheureusement fort rares.

Depuis le développement du parlementarisme, beaucoup d’hommes d’État considèrent que la politique est simplement l’art de bien parler et se préoccupent peu de bien penser. Séduire son auditoire par le cliquetis charmeur des formules sonores, ne constitue pourtant qu’un succès éphémère.

Habitué à prendre les mots pour des réalités, le grand orateur est fréquemment un homme d’État médiocre. Nul besoin, en effet, pour discourir élégamment, de posséder cette connaissance des hommes et des choses qui permet les décisions justes, énergiques et rapides, ni cette conti-