Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

générations ainsi formées ? Quand les hommes renient leur patrie et s’insurgent contre ses lois, sur quels éléments une société pourrait-elle s’étayer pour continuer à vivre ?

Vérités évidentes sans doute, mais qu’il ne faut pas cependant se lasser de redire. Les socialistes se répètent sans cesse, et à force de vociférer contre le capital et l’organisation actuelle, ils ont fini par persuader les foules de la justesse de leurs théories. Une vérité ne s’incruste dans les âmes qu’après des répétitions innombrables. Si les défenseurs de la société étaient animés d’une foi aussi ardente et propageaient leurs doctrines avec le même zèle que les révolutionnaires, la défaite de ces derniers se dessinerait rapidement.

Nous sommes arrivés à cette heure décisive où chacun devra se résigner à être un apôtre pour défendre l’édifice social contre la barbarie destructive des sectaires. Le triomphe de ces derniers conduirait vite à la ruine générale, aux guerres civiles et aux invasions. Défendre la patrie, combattre l’anarchie est devenu un devoir auquel nul ne doit se soustraire.

Les lois morales dérivées de la notion de patrie suffisent à constituer l’armature sociale d’un peuple. Leur force dépend uniquement de l’action qu’elles exercent sur les âmes. Soutenue seulement par les codes, cette force serait bien faible.

Ce ne sont ni les constitutions, ni les flottes, ni les armées qui donnent de la cohésion à une nation et maintiennent sa grandeur. Sa vraie force, c’est son idéal. Puissance invisible, créatrice des choses visibles, il dirige les âmes. Un peuple met des siècles pour acquérir un idéal et retombe dans la barbarie dès qu’il l’a perdu.


De la décadence qui nous menace, le plus sûr symptôme est l’affaiblissement général des caractères.

Nombreux, aujourd’hui, sont les hommes dont l’énergie faiblit, surtout parmi les élites qui en auraient justement le plus besoin. Chez les grands maîtres placés à la tête des nations comme chez les petits chefs qui en gouvernent les détails, l’indécision et la mollesse deviennent dominantes.

Les fanatiques révolutionnaires, dotés d’énergie par leur fanatisme même, sont pour cette raison redoutables.