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le milliard des congrégations, il fallut bien, devant les grondements populaires, édicter des lois pour s’emparer de ce milliard. Cet acte d’iniquité sauvage, dont l’injustice n’a pas frappé les législateurs, a créé un précédent redoutable. Que les hasards d’un vote confèrent pour un jour le pouvoir aux socialistes révolutionnaires, ils sauront comment exproprier une nouvelle classe de citoyens au profit d’une autre, sans invoquer d’autres raisons que le droit souverain de l’État, c’est-à-dire la raison du plus fort.

Notre société n’est un peu sauvée de la désorganisation produite par les décrets de ses législateurs que par l’impossibilité de toujours les appliquer. Chaque loi entraîne la création d’une nuée de fonctionnaires destinés à la faire exécuter, mais parfois il faut reculer devant l’énormité de la dépense. On a hésité jusqu’ici à instituer une armée de 500.000 inspecteurs pour faire observer les lois sur le travail. Cette impossibilité seule a sauvé notre industrie de la décadence profonde qu’aurait engendrée l’ingérence constante des fonctionnaires dans les manufactures.

L’État finit d’ailleurs par renoncer de lui-même aux lois inapplicables, parce que tout le monde les viole.

Un délit généralisé se transforme bientôt en droit.

Pour cette raison, les décrets édictés dans le but de contrecarrer les spéculations financières, les sociétés anonymes et toutes les formes de contrats, nés de l’évolution économique moderne, ont misérablement échoué. En étudiant la véritable genèse des lois, nous comprendrons facilement pourquoi.

Conclurons-nous des considérations précédentes qu’il ne faut jamais promulguer de réformes par voie législative et qu’on doit se croiser les bras. Évidemment les législateurs de 1848, auxquels nous faisions allusion plus haut, auraient été plus utiles en se croisant les bras qu’en votant des lois si dangereuses, mais cette conclusion pessimiste n’est pas applicable à tous les cas. Beaucoup de lois sont utiles lorsqu’elles naissent sous l’influence de certaines nécessités que nous allons examiner maintenant et qui sont étrangères le plus souvent à la volonté des législateurs.

Pour savoir ce qu’il faut faire et surtout ne pas faire en matière de lois, on doit d’abord tâcher de comprendre leur genèse.