Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

diviser le Parlement en deux Chambres pour lui permettre de voter les lois, pour obliger le souverain à gouverner par l’intermédiaire de ministres responsables, etc. L’Angleterre n’a pas de constitution écrite[1] bien que présentant le type du gouvernement constitutionnel. Elle est progressivement devenue une véritable république présidée par un roi. La liberté y est cependant beaucoup plus grande que dans aucune autre république, celle des États-Unis exceptée. Les citoyens sont libres d’aller ou de ne pas aller à l’église, sans subir aucune persécution visible ou cachée. Ils peuvent se réunir et acquérir des biens sans être jamais exposés à l’expropriation. Les lettres de cachet que nous avons retirées des mains des rois pour les mettre dans celles de petits juges d’instruction y sont inconnues.

Tout dans un tel pays heurte nos idées d’ordre, de raison et de belle symétrie. Son droit est composé des éléments les plus disparates. « Le grand mérite des institutions anglaises, disait en plein Parlement un ministre, monsieur Chamberlain, est de n’être pas logiques. »

Profonde pensée. Les lois, en effet, se passent de logique, parce qu’elles sont filles de sentiments créés par des nécessités indépendantes de la raison.

Nous restons malheureusement très éloignés en France, de pareilles idées. L’expérience ne nous profite pas. Nos erreurs sur la genèse des lois ont coûté nombre de révolutions, de ruines et de massacres. Nul ne peut dire ce qu’-

  1. , Cette assertion surprend toujours les personnes qui ne croient qu’à la valeur des textes écrits. Le hasard me permet de la justifier entièrement en reproduisant un fragment du discours prononcé par un ministre anglais, monsieur Asquith, devant la Chambre des lords au commencement de septembre 1909.

    « Voilà bien des siècles que nous sommes régis par une Constitution non écrite. Sans doute il y a une inscription au livre de nos lois d’impérissables instruments, tels que la Magna Charta, mais l’ensemble de nos libertés et de nos usages constitutionnels n’a été sanctionné jusqu’ici par aucun bill ayant reçu formellement le consentement du roi, des Lords et des Communes. Nous vivons sous l’empire d’usages, de coutumes, de conventions qui, à l’origine, se sont développés avec lenteur et sans uniformité, mais qui dans la suite des temps ont été universellement observés et respectés. »