Page:Le Bon - Psychologie politique et défense sociale.djvu/48

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n’a guère d’autre appui, que de Solon à Napoléon surgirent brusquement dans l’histoire, des codes semblant issus de toutes pièces du cerveau d’un seul législateur. L’examen attentif de ces codes, celui de Napoléon, par exemple, démontre vite qu’ils sont simplement au contraire, la condensation et la simplification de coutumes antérieures fixées par l’usage. Les codes supposés nouveaux sanctionnent et n’improvisent pas. Ils n’improvisent pas davantage quand devient nécessaire d’imposer à des contrées, jadis séparées, des lois générales destinées à remplacer leurs droits particuliers. C’est ce qui arriva pour la France à la fin du XVIIIe siècle et, beaucoup, plus récemment, pour l’Allemagne et la Suisse. Ces grands pays ont fini par fondre en un seul texte les codes divers de provinces d’abord très dissemblables, puis rapprochées et enfin identifiées par la similitude des intérêts.

Depuis l’extension du collectivisme révolutionnaire, les théoriciens paraissent s’être formé une conception du droit bien différente. Suivant eux, une société se referait avec des codes. La puissance surnaturelle attribuée aux lois a remplacé celle attribuée aux dieux.

De telles croyances n’étaient défendables qu’à l’époque où de savants théologiens enseignaient que les divinités, intervenant sans cesse dans les affaires humaines, révélaient aux peuples leur volonté par l’intermédiaire des rois. De lois naturelles inflexibles il ne pouvait alors être question. La théologie socialiste n’en tient pas compte davantage aujourd’hui. Les apôtres de la foi nouvelle ignorent les nécessités sociales tout autant que les prêtres des divinités antiques.

Contrairement à ces chimériques doctrines, nous apercevons clairement aujourd’hui que les phénomènes historiques les plus considérables sont engendrés par des causes lointaines, nombreuses et étroitement enchaînées. C’est parfois de l’accumulation de petites causes que naissent les grands effets. En histoire, le pondérable sort souvent de l’impondérable. Les milliers de petits faits, parfois inaperçus, dont les grands événements sont la synthèse, finissent par s’orienter dans une même direction, en vertu de lois rigoureuses analogues à celles qui obligent un astre à suivre une certaine trajectoire ou le gland à devenir un chêne. Ainsi canalisés, tous ces petits événements journaliers engendrent des courants qui, très faibles