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aisément, l’âme populaire dont ils sont l’incarnation. Ils s’en assimilent les soudainetés et les mobilités, alors que les politiciens ordinaires s’y perdent complètement. Leur étroite logique rationnelle latine, vigoureusement aiguillonnée par la peur, conduit ces derniers à fabriquer des lois déduites des formules hallucinantes, qui les terrifient.

Et c’est ainsi que surgissent avec d’énormes majorités, ces lois ruineuses et inapplicables sous le poids desquelles l’industrie, le commerce et la richesse publique finiront par succomber.

Rien n’arrête dans cette voie. Les surenchères inspirées par le fantôme de la peur avaient engendré un premier projet sur les retraites ouvrières que chaque député savait irréalisable, puisqu’il eût été impossible de trouver les 7 ou 800 millions annuels nécessités par son application. Tous cependant l’ont voté sachant bien d’ailleurs que le Sénat rectifierait leur fantaisie.

"Les retraites obligatoires établies par la Chambre, écrivait P. Delombre, eussent été à la fois l’écroulement des finances publiques et la ruine du travail national. Telle est la vérité que l’on ne fera jamais trop connaître."

Sans doute, mais à quoi sert de la faire connaître ? Votons toujours, pense le député dominé par la peur, les autres s’arrangeront.

Le fantôme de la peur est à lui seul extrêmement redoutable, mais il le devient plus encore quand se joint à lui ceux de la haine et de l’envie. Leur triumvirat dirige toute notre politique actuelle.

C’est surtout dans le projet d’impôt sur le revenu qu’apparut l’action simultanée de ces trois fantômes.

On ferait un peu sourire en prétextant que l’amour de l’équité et un intense besoin d’altruisme déterminèrent sa préparation. Chacun sait qu’il ne dégrève à peu près personne et que ceux qu’il semblait dégrever de sommes infimes ne le seraient qu’au prix des inquisitions les plus tyranniques.

La soif de justice n’eut, en réalité, aucune part dans la genèse de cette loi. Les fantômes de la haine et de l’envie furent utilisés pour faire croire que 500,000 personnes seulement paieraient les impôts. En agitant ensuite le fantôme de la peur on obtint de la Chambre une immense majorité.

Mais nous l’avons dit, les spectres craignent la lumière