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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/119

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AU PAYS DES PARDONS

seoir sur une borne, près de la porte où les invités s’engouffraient. Des gardes vinrent et le chassèrent. Il subit cette humiliation sans se nommer. Tout cela faisait diversion à son mal, l’arrachait à sa pensée fixe, si torturante ! Une vallée s’ouvrait sur la droite : il s’y engagea. Le sentier se déroulait, ombragé de grêles ramures entre lesquelles glissaient des reflets de lune brodant le sol de dessins clairs. Puis, ce furent de hautes futaies, des piliers élancés et moussus soutenant des dômes d’ombre, le mystère d’une église vide, la nuit. Tous bruits au loin s’étaient tus, même la mélopée envahissante, obstinée, de la mer. Gralon se rappela les paroles de Primel, l’anachorète :

« — Les bois sont tendres à l’homme qui souffre. Dieu en a fait des asiles sacrés… »

Ses sourcils froncés se disjoignirent. Il se sentit plein de sécurité, comme si un mur inexpugnable l’eût isolé du reste du monde. Il continua d’avancer toutefois, heureux de se baigner et, en quelque sorte, de se fondre dans cette atmosphère lénifiante, de goûter plus profondément, à chaque