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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/140

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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

Depuis trois ans il ne rêve que d’elle, quoiqu’il ne lui ait jamais dit une parole d’« amitié ». Il l’a connue un jour au pardon d’une chapelle détruite, à Saint-Kaduan. C’était un soir comme celui-ci. Il était allé là par désœuvrement, par piété aussi. Même quand les saints n’ont plus d’oratoires, il convient d’être assidu à leur fête. Il y avait sur la pelouse beaucoup de jouvencelles. Il n’en vit qu’une, qui lui riait du regard. Incontinent, son destin fut fixé. Il avait, selon son expression, « trouvé sa planète ». La fille, depuis lors, est dans son souvenir comme une constellation au fond d’un ciel pur. C’est l’éternel poème de l’amour breton, si sobre et si chaste, tel que le célèbrent les soniou, tel qu’il persiste à fleurir au cœur de la race. Rien de passionné, ni de troublant un attendrissement qui pénètre toute l’âme, mêlé d’un je ne sais quoi de religieux. Ils aiment comme on prie, ces Armoricains, avec recueillement et en silence.

Le chemin creux où nous marchons s’enfonce entre de hauts talus semi-éboulés : des branchages, au-dessus de nous, se rejoignent, formant treillis ;