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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

d’un commun élan l’hymne de la Vierge, transcription bretonne de l’Ave maris stella.

Ni ho salud, stéréden vor !…

Les voix rebondissent au loin dans le large écho des montagnes. Les hommes restés un peu en arrière pressent le pas. Je me suis mêlé à leur groupe une cinquantaine de grands gars en tricot de laine grise ou bleue, avec des muscles énormes, des poings de géant et de bonnes figures placides, d’une enfantine douceur. Des touffes de sourcils enchevêtrés ombragent leurs prunelles trop claires, aux teintes indécises, comme délavées par les embruns. Ils sont accueillants et expansifs. Ils m’apprennent qu’ils sont partis d’Ouessant la veille, qu’ils ont mis près de dix heures à franchir l’Iroise et qu’ils ont emporté des provisions pour trois jours, « parce que, chez nous, voyez-vous, on sait bien quand on sort, mais on ne sait jamais quand on rentre. » D’espace en espace un aubergiste les hêle, assis sur un tonneau, dans la douve, auprès de son comptoir couvert de bouteilles :