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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/27

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AU PAYS DES PARDONS

une foi invincible dans ses lumières, certains, d’ailleurs, qu’il n’en usera jamais pour les tromper. Car il n’est pas seulement la science même, il est encore la droiture incarnée. C’est le grand justicier, l’arbitre impeccable et incorruptible. L’image la plus fréquente que l’on donne de lui le représente assis dans son tribunal, entre le bon pauvre dont il accueille la requête et le mauvais riche dont il repousse la bourse. Cela est d’un symbolisme transparent et naïf. Soyez assurés que le bon pauvre personnifie le peuple breton lui-même, ce peuple de miséreux durcis à la peine, pour qui les conditions de la vie sont demeurées si précaires et sur qui n’a pas cessé de peser le long héritage d’oppression et d’iniquité dévolu à la plupart des communautés celtiques. Lui aussi, comme le bon pauvre, il tient en main son rouleau de papier où sont inscrits ses doléances, sa plainte séculaire, son indomptable espoir. Car, en dépit des cruelles écoles de son passé, il n’a renoncé à aucun de ses vieux rêves, rien abdiqué de son idéal ancien. Affamé de justice il est resté fidèle à la religion du droit ; comme toutes les races qui ont souffert,