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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/53

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AU PAYS DES PARDONS

sommes plus âgés que ne le serait aujourd’hui ton trisaïeul[1] ; notre sort est triste ; quand nous aurons fini de pourrir, qui se souviendra de notre visage ?… » — Puis, écoutez-moi bien : les femmes font quelquefois des scènes ; en pareil cas, moi, je déguerpis. Vous n’êtes pas sans connaître l’oratoire en ruines de saint Elud[2] dans la pinède, un peu au-dessus de la Fontaine-de-Minuit. Là, j’ai mon refuge, ma maison de paix. Là, plus de bruit humain, plus de paroles querelleuses, mais une solitude profonde où les jours s’écoulent avec lenteur, sous les grands arbres mélodieux… Un hiver, peu de temps après mes secondes noces, j’y vécus un peu plus d’une semaine. J’avais pris, pour ma nourriture, quelques

  1. On dit en breton « da dad kûn » ton père doux.
  2. C’est peut-être le site le plus gracieux de l’exquise vallée du Guindy. La rivière au bas, claire, chantante, déroulant sur un lit de gravier, à travers des prés d’un vert intense, ses méandres harmonieux. Sur une des collines de la rive gauche, un bois de pins et, à son ombre, les ruines de l’oratoire. Celui-ci devait couvrir à peine trois mètres carrés de superficie. Il était bâti de quelques pierres mal liées avec de l’argile. On raconte que saint Elud, — le même, j’imagine, que saint Iltud, — eut là son ermitage. Quant à la Fontaine-de-Minuit (Feunteun-Anternoz), son eau mystérieuse filtre d’un rocher, au pied de la colline. J’ai dessein de raconter ailleurs ses vertus.