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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/54

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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES

croûtes de pain, et, quant à la boisson, je n’avais qu’à puiser à la source. Les nuits étaient lumineuses et glacées. Je m’étais aménagé un toit de fougères qui me garantissait la tête : un feu d’aiguilles de pin me réchauffait les pieds. Or, un soir que je venais de m’assoupir, quelqu’un m’appela par mon nom. Je rouvris les yeux, et, devant moi, dans la brume blanche qui s’élevait de la vallée, je vis surgir une apparition, un fantôme de saint que je reconnus aussitôt. C’était Yves de Kervarzin, le prêtre secourable, hébergeur des vagabonds et patron des sans-le-sou…[1] Tel il s’est montré à moi, cette nuit-là, tel je l’ai représenté depuis, partout où j’ai pu, avec sa toque noire, avec sa longue soutane, avec son aube fine, si étincelante qu’elle semblait tissée de clair de lune.

« C’est lui qui a commencé ma réputation. Je l’ai peint d’abord dans une ferme, puis dans une autre. Finalement, dès que j’entrais dans une maison, on m’appréhendait à la veste :

«  — Ramone ou ne ramone pas, cela nous

  1. « An dud a bemp liard », disait Mabik, les gens de cinq liards.