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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES

dénudé, coupé de talus broussailleux, entre le Guindy et la mer. La commune est vaste. Dans l’intérieur vivent des laboureurs aisés, semeurs de froment et pasteurs de troupeaux. Quelques-uns sont riches, ont des fermes spacieuses bâties en pierres de taille comme des manoirs. Il n’en est pas de même des clans de pêcheurs, disséminés le long du littoral. L’aisance est à peu près inconnue dans ces hameaux. Les hommes en sont absents pendant cinq et six mois de l’année, presque tous occupés aux campagnes lointaines et périlleuses de Terre-Neuve ou d’Islande. Beaucoup ne reviennent jamais. Leurs familles tombent dans la détresse, vont grossir la bande des « chercheurs de pain ». On sait d’ailleurs qu’en Bretagne ce n’est pas une honte de mendier, si même ce n’est pas un honneur. Les misérables, comme les fous, sont tenus pour des êtres sacrés. Qui leur manque de respect encourt la damnation éternelle. Aussi les traite-t-on avec les plus grands égards ; ils ont partout leur écuelle dans le dressoir, leur pailler sous la grange ou dans l’étable. Au pays de Tréguier, ils forment une espèce de