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AU PAYS DES PARDONS

corporation et s’intitulent eux-mêmes, non sans orgueil, les « clients de saint Yves ». Quand sa fête approche, infirmes et loqueteux se redressent dans leurs haillons, font sonner allègrement leurs béquilles :

« — Voici notre pardon, disent-ils, — pardon ar bêwien, le pardon des pauvres ! »

Je voudrais esquisser en quelques lignes la physionomie de l’un de ces clients du saint, le plus honnête homme peut-être que j’aie connu. On l’appelait Baptiste tout court, comme s’il n’eût jamais eu d’autre nom. Il habitait, sur la route de Lannion, une masure à laquelle il ne manquait guère que des murailles et un toit. La pluie et la neige y avaient leurs libres entrées, et le vent s’y installait comme chez lui. Les chats sans domicile pullulaient dans les recoins, indépendamment de quantité d’autres bêtes. Quand on en plaisantait Baptiste, il vous répondait avec une philosophie tranquille :

« — Dûman ê ty an holl » (Chez moi, c’est la maison de tout le monde).

Il avait des idées très particulières sur l’hospitalité.