Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la route au manoir de Kermarquer, il ne fut pas peu surpris de voir la barrière grande ouverte ; il était sûr de l’avoir fermée derrière lui, lors de son départ pour le bourg. C’était chose qu’il recommandait toujours à ses valets de ferme et à laquelle lui-même ne manquait jamais, à cause de toutes les bêtes, chevaux, vaches ou moutons, que les gens de Penvénan ne laissaient que trop volontiers vaguer dans ces parages.

Il pesta un brin, ramena l’un contre l’autre les battants de la barrière, et assujettit solidement la chaînette qui les nouait. Puis il enfila l’allée, sous l’ombre noire des arbres, tout en songeant à la bonne « pipée » qu’il fumerait, avant de se coucher, au coin de l’âtre, les pieds à la braise. Il l’avait bien gagnée, vraiment !…

Mais en entrant dans la cour, il fut frappé de stupeur. Le cercueil qu’il avait croisé tantôt était placé en travers de sa porte et les quatre hommes se tenaient à côté, immobiles, deux à chaque bout.

Jozon Briand n’était pas un trembleur. Il avait fait la guerre au temps du « Vieux Napoléon ». Il marcha droit aux quatre hommes :

— Vous vous trompez d’adresse, leur dit-il ; personne ici n’a fait prendre de mesure pour « les cinq planches ».

— Celui qui nous a envoyés ne se trompe jamais ! répondirent les hommes d’une seule voix.

Et l’on eût dit que cette voix sortait de la terre des morts.

C’est ce que nous allons savoir I s’écria Jozon Briand.