Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/184

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On dépeint l'Ankou, tantôt comme un homme 1res grand et très maigre, les cheveux longs et blancs, la figure ombragée d'un large feutre  ; tantôt sous la forme d'un squelette drapé d'un linceul, et dont la tête vire sans cesse au haut de la colonne vertébrale, ainsi qu'une girouette autour de sa tige de fer, afin qu'il puisse embrasser d'un seul coup d'œil toute la région qu'il a mission de parcourir1.

i. On peut voir dans l'église de Ploumilliau une curieuse représentation de ce dernier type. C'est une statuette, en bois jadis peinturluré, mais que le temps a recouvert d'une épaisse couche de poussière. Elle rappelle à certains égards les « écorchés » qui ornent bizarrement la plupart des cabinets d'histoire naturelle, mais le ventre se creuse en un trou béant. Cet « Ankou » a été la terreur demon enfance. Son voisinage troublait toujours mes jeunes prières. Il me souvient d'avoir vu de vieilles femmes s'agenouiller devant lui. On l'a surnommé dans le pays Ervoanik Plouillo, Yves de Ploumilliau (avec le diminutif ironique). On ne vient jamais à Ploumilliau sans lui faire visite. Il vient de subir à peu près le même traitement que saint Yves de Vérité (voir ch. v). Voici à la suite de quelles circonstances. L'histoire est jolie et mérite d'être contée, ne fût-ce que pour montrer combien sont encore vivantes chez les Bas-Bretons les superstitions relatives à la mort.

Ilyaà Ploumilliau un fonctionnaire, excellent homme d'ailleurs, mais qui a le tort, aux yeux de beaucoup de personnes de l'endroit, d'afficher un mépris trop bruyant pour des croyances ou, si l'on veut, pour des superstitions qui leur sont chères. Ces personnes lui en savent naturellement mauvais gré. L'une d'elles, en particulier, lui a voué une véritable haine. Appelons-la Janik, et le fonctionnaire M. K. On comprendra sans peine que je m'abstienne de donner les vrais noms. Toujours est-il que, désespérant devoir M. K. se convertir jamais, Janik en est venue à désirer sa mort. Nos paysannes de Basse-Bretagne ne sont pas tendres pour les