Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/214

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les mains. Il aimait qu'on s'en allât de chez lui, plein jusqu'à la gorge.

— Bien! dit-il, il y aura, ce soir, dans les douves des chemins aux abords de Kéresper des pissées aussi grosses que des ruisseaux.

Il était enchanté de lui, de ses cuisinières, de ses tonneaux de cidre et de ses convives.

Soudain il s'aperçut qu'il y avait encore quelqu'un à table. C'était l'homme à la souquenille de vieille toile.

— Ne te presse pas, dit Laou en s'approchant dé lui. Tu étais le dernier arrivé  ; il est juste que tu sois le dernier parti... Mais, ajouta-t-il, tu risques de t'endormir devant une assiette et un verre vides.

L'homme avait, en effet, retourné son assiette et son verre 1.

En entendant la parole de Laou, il leva lentement la tête. Et Laou vit que cette tête était une tête de mort.

L'homme se mit sur pied, secoua ses haillons qui s'éparpillèrent à terre, et Laou vit qu'à chaque haillon était attaché un lambeau de chair pourrie. L'odeur qui s'en exhalait, et aussi la peur, le prirent à la gorge.

Laou retint son haleine pour n'aspirer point cette pourriture, et demanda au squelette :

— Qui es-tu et que veux-tu de moi?

Le squelette, dont les os se voyaient maintenant à

1. Dans plusieurs contes irlandais, on peut remarquer que les revenants refusent de manger ou de boire (Curtin, Taies of thc fairies, p. 128 ; G. Dottin, Contes et légendes d'Irlande,?. 26).