Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/33

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Le morceau intitulé « L’expédition de Néra », qui sert d’introduction au Táin bó Cuailnge (Enlèvement des vaches de Cuailngé), épopée du Xe siècle, est le premier texte irlandais qui fasse mention précise d’un fantôme. Et voici à quelle occasion. « Un soir de Samhain — c’est-à-dire dans la nuit qui précède la Toussaint — le roi Ailill et la reine Medb proposèrent un prix au guerrier qui serait assez hardi pour aller nouer d’un lien d’osier les pieds d’un captif, pendu de la veille. Néra, seul, accepta de braver les ténèbres et l’horreur d’une semblable nuit, que les démons ont coutume de choisir pour se montrer. Lorsqu’il eut atteint l’endroit, ce fut le pendu qui lui indiqua lui-même comment fixer le lien d’osier : après quoi, il lui demanda de le prendre sur son dos et de le mener boire. Néra le prit donc et le porta de seuil en seuil. Le mort ne voulait entrer que dans une maison où l’on n’aurait ni vidé les seaux, ni couvert le feu. Quand il eut trouvé ce qu’il cherchait et qu’il eut fini de se désaltérer, il lança la dernière gorgée d’eau sur les hôtes de la maison et, tout aussitôt, ceux-ci moururent[1]. » Cet épisode est significatif, en ce que l’acte mis ici au compte d’un pendu, c’est généralement à des fées qu’on


i. Publié et traduit par Kuno Meyer, Revue celtique, t. X, p. 214-227.

  1. Publié et traduit par Kuno Meyer, Revue celtique, t. X, p. 214-227.