Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/388

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Gonéri Rojou sentit une sueur froide ruisseler le long de ses membres. La vieille fit une pause, puis reprit :

— Eh bien ! non ! non ! non ! Je veux être ensevelie dans le lin que j'ai filé !

Par trois fois, elle répéta avec insistance :

— Il me faut mon linceul ! Il me faut mon linceul ! ! Il me faut mon linceul ! ! !

Là-dessus, elle disparut.

Par amitié pour sa femme, Gonéri Rojou ne l'avait point réveillée. A l'aube, elle se réveilla d'elle-même. Gonéri lui dit alors :

— Femme, sais-tu quel est le premier travail que tu vas faire à ton lever ?

— Oui, mon homme, je vais piler de l'ajonc vert pour les bêtes, puis je débarbouillerai les enfants.

— Non, dit Gonéri, tu te mettras sur ton « trenteet-un » 1  ; tu tâcheras d'être à l'église au moment où M. le recteur reçoit à confesse, et tu lui avoueras en confession notre faute.

— Y penses-tu, Gonéri  ? Et de quoi donc te mêlestu, s'il te plaît ?

— Ce n'est pas tout, poursuivit l'homme  ; je marcherai sur tes pas, emportant sur mes épaules le linge volé qui est là, dans l'armoire. N'oublie pas de demander au recteur quel usage nous en devrons faire.

— Quel usage!., quel usage !!... répartit la femme,

1. War da bégément, dit l'expression bretonne, c'est-à-dire « sur ton combien » (au sens exclamatif).

en colère.