Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/389

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Si quelqu'un doit le savoir, c'est moi, et non le recteur ! Ne t'inquiète donc pas de ce linge.

— J'ai mes raisons pour m'en inquiéter, dit Gonéri. Il y va de ta paix et de la mienne, en ce monde et dans l'autre.

Il raconta à sa femme sa vision de la nuit.

Lénan, dès lors, ne fit plus d'objection. Elle disposa elle-même le faix de linge sur les épaules de son mari et le précéda au bourg. Arrivée à l'église, elle se blottit dans le confessionnal du recteur, pendant que Gonéri l'attendait, avec sa charge, près des fonts baptismaux.

Le recteur dit à Lénan, quand elle lui eut tout avoué :

— Revenez cette nuit, ma fille, accompagnée de votre homme. Quant au linge, vous le déposerez à la sacristie, où je l'exorciserai. J'espère en avoir fait sortir avant ce soir l'âme funeste qui est en lui et qui n'est autre que votre péché à tous deux.

Lénan et Gonéri s'en retournèrent à la ferme, mais le soir de ce jour les retrouva en prière, dans l'église, avec le recteur.

Quand sonna l'heure de minuit, celui-ci fit signe à Lénan.

— Voici l'heure, dit-il. Prenez dans la sacristie les pièces de toile ; ne vous étonnez point de les sentir aussi légères que plume, et allez les étendre une à une, sur la tombe encore fraîche de Marie-Jeanne. Ayez surtout bien soin d'attendre qu'une ait disparu avant de déplier l'autre. Nous prierons ici, pendant ce temps, votre mari et moi. Quand tout sera fini,