Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/398

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La main sanglante

Un pêcheur de Goulien, dans le Cap-Sizun, trouva un jour, en mer, le cadavre d'une noyée. Comme il l'amarrait derrière sa barque pour la remorquer à terre, il s'aperçut qu'elle portait au doigt une belle bague d'or. Le malin esprit lui souffla l'idée de s'emparer de cette bague. Il était seul à bord de son bateau et, par conséquent, assuré de n'être vu de personne. Il saisit donc le bras de la morte, mais la chair du doigt avait gonflé : impossible d'en faire glisser l'anneau.

Alors, le pêcheur tira de sa poche son couteau de marin, à lame forte et tranchante, et, pour avoir le bijou, trancha le doigt de la noyée.

Aussitôt — chose étrange — la blessure se mit à saigner comme si le cadavre était encore vivant. Et le sang coulait en telle abondance que tout le sillage de la barque, au loin, en était rouge.

Arrivé à terre, le pêcheur s'empressa d'enfouir le cadavre dans le sable de la grève, sans prévenir ni maire, ni clergé. Puis il gagna son logis, avec la bague. Sa femme l'attendait pour souper. Ils se mirent à table. Tout à coup, la femme, ayant tourné par hasard les yeux vers la fenêtre, s'écria :