Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/44

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au centre d’un dur horizon de granit d’où toute vie, même végétale, est comme absente, il n’est pas étonnant que le peuple en ait fait quelque chose d’analogue au Loch Derg d’Irlande, une sorte de vestibule des palais souterrains de la mort. C’est encore à la nature des lieux, c’est au déferlement de la vague dans les fissures du littoral que doivent leur tragique légende tous ces « enfers » marins d’où montent des voix si lamentables, — enfer de Plougrescant, enfer de Plogoff, enfer de Groix, pour ne mentionner que les plus connus. On comprend de même, au seul aspect des montagnettes bretonnes, qu’avec leurs profils tumulaires et leurs couronnements pyramidaux de quartz ou de schiste, elles soient devenues dans la tradition locale de vastes sépultures des âges immémoriaux, abritant ou bien des sages doués de l’esprit prophétique, comme le Gwennklan qui dort sous le Ménez-Bré  ; — ou bien de fabuleux chefs de guerre, comme le roi Marc’h à qui est consacré l’un des sommets du Ménez-Hom  ; — ou enfin des êtres de stature et de puissance plus qu’humaines, comme ce Gewr, enseveli dans la montagne de Loqueffret et qu’il fallut plier neuf fois sur lui-même pour l’y faire tenir tout entier.

Pour ces raisons et d’autres encore, on a pu dire de la Bretagne qu’elle était avant toute chose le pays de la mort. Et l’homme a parfait à cet égard l’œuvre de la nature. Sur cette terre si propice