Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/50

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fréquente par devoir et par goût. Sur la semaine,


sont décédés... Réfléchissez cependant que vous serez comme eux sans tarder. Alors, à votre tour, pour obtenir une prière, vous souhaiterez de voir des gens passer... Respectez la terre du cimetière : c’est par elle que vous avez passé pour (aller) recevoir le baptême, lorsque vous êtes venu en ce monde. Par elle il vous faudra passer encore, lorsque vous y serez mis comme les autres... Vous qui êtes enclins, à la boisson,... quand vous êtes ivres, vous traversez le cimetière comme des brutes sans égards,... en jurant, en proférant des paroles déshonnêtes, et cependant, après votre trépas, c’est lui qui recevra vos corps. » Le poète-paysan s’attaque ensuite aux propriétaires avares qui voudraient avoir à eux seuls toute la terre : « Non, jamais vous ne serez rassasiés de terre jusqu’à ce qu’on vous en ait rempli la bouche. Vous ne vous tiendrez pour contents que lorsque vous aurez eu votre lot dans le cimetière... Là, vous aurez de la terre sous vous, vous aurez de la terre de chaque côté, vous aurez de la terre sur vous. Vous serez enveloppé de terre, et ne verrez plus ni soleil ni lune. » Puis vient le thème de l’égalité devant la mort : « Au cimetière, il n’y a pas de primauté pour les gens de qualité. Le premier que l’on ensevelit est aussi celui qui a le pas pour entrer au cimetière. La seule différence qu’il y ait entre les lieux de sépulture est qu’une place est réservée pour enterrer les huguenots et ceux qui se sont donné la mort... Par ailleurs, il n’y a point de distinction entre les gens de peu et la noblesse. Les tombes des pauvres se reconnaissent aux tertres de terre épars dans le cimetière... Des tombes plus hautes indiquent au passant où sont enterrés les prêtres. » Relevons encore ce passage : « Notre corps ne fera qu’un avec la terre du cimetière... Quand on exhumera nos ossements, on les jettera pêle-mêle dans le cimetière ou dans le charnier, exposés à la pluie et au vent. Quelque temps après, on les ramassera de nouveau pour leur donner la sépulture définitive... jusqu’au dernier jour du monde, jusqu’au jour du Jugement, le jour d’angoisse et d’épouvante. » Ce Cantique des cimetières fait partie de la collection de chansons bretonnes sur feuilles volantes imprimée chez Le Goffic, à Lannion.