Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/51

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on s’y attarde volontiers en flâneries pieuses, le soir, après le travail fini, jusqu’à ce que les derniers tintements de l’Angélus aient expiré dans le silence. Le dimanche, la population l’envahit. Pour les Bretons, en effet, le dimanche est autant le jour des morts que le jour de Dieu. Et les fabriques paroissiales le savent bien. Le plus clair de leurs ressources, elles le doivent aux oboles dominicales versées en mémoire des morts. Assistez à une messe de village : trois, quatre quêteurs défilent, invoquant la générosité des fidèles en faveur de telle Notre-Dame ou de tel saint ; c’est à peine s’ils recueillent de-ci de-là quelque chétive offrande. Mais, derrière ceux-là, voici s’avancer un cinquième solliciteur. Il dit : Ewit an Anaon ! (pour les âmes) ; aussitôt le billon de pleuvoir, et souvent les menues pièces blanches. Il n’est si pauvre servante de ferme ni si misérable gardeur de vaches qui ne tienne en réserve son « sou des morts ».

L’office terminé, c’est à qui se répandra le plus vite parmi les tombes. Sur chaque tertre, sur chaque bloc mortuaire s’abat un essaim vivant. Et, là, un autre office commence, célébré, cette fois, par les croyants eux-mêmes et où il est aisé de voir, aux physionomies comme aux attitudes, qu’ils apportent ce qu’il y a en eux de plus personnel, de plus intime et de plus profond. L’acte religieux par excellence, c’est au cimetière que le Breton l’accomplit. J’ai connu, à Paris, des