Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/72

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et, lorsqu’ils se sentent en confiance, se plaisent aux longues causeries.

Le meilleur de mon adolescence s’est écoulé parmi eux. Plus tard, j’ai contracté l’habitude, qui m’est chère, de passer mes vacances au Port-Blanc. Ma maisonnette d’été voisine avec leurs logis. Me connaissant de vieille date, ils me traitent comme un des leurs. Lorsque j’entrepris d’explorer le champ des légendes funèbres de la Bretagne — le seul que mon regretté maître, M. Luzel, eût laissé à peu près intact — la région du Port-Blanc fut une de celles où je poussai les premières pointes. Tout d’abord, je dois l’avouer, les résultats furent pauvres. Les gens, interrogés séparément, ne savaient rien ou ne voulaient rien livrer. « Nous verrons, me disaient-ils, nous réfléchirons. Il faut du temps pour se rappeler. » Dans l’été de 1891, je pris le parti de les réunir chez moi. Je les invitai par groupes à venir « causer », le samedi soir, la semaine finie. Au début, ils se montrèrent hésitants. Puis la cordialité, la simplicité de l’accueil les ayant mis à l’aise, les premiers qui s’étaient risqués en amenèrent d’autres. Bientôt ce fut à qui s’empresserait. Pour qu’ils se sentissent moins dépaysés, nos assises se tenaient dans la cuisine. Chacun s’installait où il trouvait place. Ma femme servait du cidre aux hommes, du café aux commères. Il y avait une large provision de tabac en poudre pour les priseuses, et les fumeurs non plus