Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/73

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n’étaient pas oubliés, ni davantage les chiqueurs. Ponctuellement, sur le coup de huit heures, huit heures et demie, nous entendions dans les petits chemins caillouteux du village retentir le bruit de sabots qui nous annonçait nos hôtes. Ils entraient, saluaient dès le seuil la « maisonnée » avec une politesse sans humilité qui est de tradition dans la race, et la veillée estivale commençait, toutes fenêtres ouvertes sur la mer et sur la nuit.

J’eus cependant à vaincre encore plus d’une résistance pour entraîner les conversations sur le terrain souhaité. On se demandait quel genre d’intérêt je portais à ces croyances et si mes questions n’étaient pas inspirées par une curiosité impie. « Ce n’est pas au moins pour tourner en dérision nos histoires, monsieur ? Les morts n’aiment pas la plaisanterie et nous ne nous soucions pas d’attirer leur courroux ! » Je dus faire appel à toute la force de persuasion dont j’étais capable pour rassurer leurs scrupules. Ma prétention de consigner par écrit les légendes qui m’étaient contées engendra de nouvelles craintes dans l’esprit timoré des femmes. Lorsque je voulus prendre la plume, je vis leurs fronts se rembrunir et leurs lèvres se pincer. Elles avaient peur qu’il n’y eût là quelque sacrilège. Plusieurs hochèrent la tête, en murmurant : « Si les prêtres le savent, ils nous refuseront nos Pâques. » Heureusement que les hommes, en ce pays trégorrois, sont de tempérament assez