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Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/35

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leur clarté douteuse, Yann et Caourantinn s'aperçurent que le cinquième fantôme,celui qui tenait tout à l'heure le gouvernail, dressait encore au-dessus de l'eau la tête et les épaules.

Ils s'arrêtèrent, saisis d'épouvante. A vrai dire, ils eussent préféré être ailleurs. Mais comme ils s'étaient tant avancés, ils n'osaient plus rebrousser chemin. L'homme avait, du reste, une figure si triste, si triste, qu'il eût fallu être mauvais chrétien pour n'en avoir point pitié.

— Ètes-vous de la part de Dieu ou de la part du diable ? demanda Yann.

Comme s'il eût deviné leur pensée et les sentiments qui les agitaient, l'homme leur dit :

— N'ayez aucune crainte. Nous sommes ici cinq âmes qui soufifions cruellement, et mes quatre coin-pagnons souffrent encore plus que moi. La tristesse que vous voyez sur mon visage n'est rien auprès de la leur. Yoilà plus de cent ans que nous attendons en ce lieu le passage d'un homme de bonne volonté.

— S'il n'est que de bien vouloir, nous sommes à votre disposition, répondirent Yann et Caourantinn^

— Vous irez, s'il vous plaît, trouver le recteur de Plomelin, et vous le prierez de faire dire pour nous, au maitre-autei de l'église, cinq messes mortuaires pendant cinq jours de suite. Puis vous aurez soin que, pendant ces cinq jours, à ces cinq messes, assistent régulièrement trente-trois personnes, vieilles ou jeunes, hommes, femmes ou enfants.

— Doué da bardono ann Anaon 1 (Dieupardonneaux défunts I) murmurèrent les deux marins, enfaisantle